Les tout vieux se taisaient ; les uns regardaient les passants amicalement, les autres avec sévérité, leur rendant lentement leur salut.
Les femmes n’avaient pas encore commencé leur ronde ; réunies par groupes, vêtues de bechmets à couleurs brillantes et coiffées de mouchoirs blancs qui leur couvraient la tête et les yeux, elles étaient assises sur des remblais à l’abri des rayons obliques du soleil et bavardaient bruyamment. Des enfants jouaient sur la place, lançant leurs balles dans les airs et courant les reprendre avec des cris perçants. Les adolescentes dansaient des rondes de l’autre côté de la rue et chantaient d’une voix flûtée. Les employés et les jeunes gens venus pour la fête, tous également vêtus de cafetans rouges à galons, se promenaient gaiement à deux et à trois, allant dans les groupes des femmes et taquinant les filles. Un marchand arménien, en cafetan bleu de drap fin et à galons d’or, se tenait sur le seuil de sa boutique de marchandises bigarrées et attendait les chalands avec la gravité d’un Oriental qui sait garder sa dignité. Deux Tcherkesses, pieds nus et à barbe rouge, étaient assis sur leurs pieds croisés à la porte d’un ami ; ils étaient venus d’au delà du Térek voir la fête et fumaient négligemment leur pipe en se communiquant leurs observations. À de rares intervalles, un soldat en redingote usée traversait rapidement la foule endimanchée. On entendait de temps en temps quelque ivrogne chanter ; les cabanes étaient closes, les perrons soigneusement lavés depuis la veille. Les vieilles femmes même étaient dans la rue. Les graines de melon, de tournesol et de courge traînaient partout dans la poussière. L’air était doux et immobile, le ciel bleu et transparent. Le blanc mat des montagnes s’élevant au-dessus des toits paraissait très rapproché et prenait des teintes rosées au coucher du soleil. On entendait de temps à autre un coup de canon gronder sourdement au delà du fleuve, mais les bruits de la stanitsa se fondaient tous en un seul et joyeux bruit de fête.