souper, remuer leurs plumeaux et se coucher ; il entendit rire Marianna, puis tout devint silence.
Olénine rentra chez lui. Vania dormait tout habillé. Il le regarda avec envie et recommença sa promenade dans la cour, attendant sans cesse quelqu’un ; mais personne ne paraissait, rien ne bougeait, on n’entendait que la respiration égale de trois personnes. Olénine écoutait le souffle de Marianna, qu’il connaissait, et écoutait aussi les battements de son propre cœur.
Tout était silence dans la stanitsa ; la lune était levée, on pouvait voir le bétail remuer dans les étables. Olénine se demandait avec angoisse ce qu’il voulait, et ne pouvait s’arracher à ses pensées. Il crut entendre craquer le plancher dans la cabane du khorounji et se jeta vers la porte ; mais tout était tranquille, et il n’entendait qu’une respiration égale et le bruit de la bufflonne qui remuait dans retable et mugissait sourdement.
Il se demanda encore : « Que vais-je faire ? » Et il se décidait à regagner son lit, lorsqu’il entendit derechef un léger bruit de pas, et son imagination lui dessinait Marianna paraissant à la lueur de la lune ; il se jeta vers la fenêtre et entendit marcher de nouveau.
Un peu avant l’aube, il s’approcha de la fenêtre, poussa le volet et courut vers la porte. Marianna poussa un soupir. Il heurta légèrement. Des pieds nus s’approchaient avec précaution de la porte, le plancher craquait doucement. Les gonds grincèrent, un parfum de plantes aromatiques et une odeur de courge s’échappèrent de la porte entrebâillée. Marianna parut sur le seuil. Il ne la vit qu’un clin d’œil à la clarté de la lune ; elle referma vivement la porte en murmurant ; il l’entendit s’éloigner.
Il frappa de nouveau, mais personne ne répondit. Il s’approcha de la fenêtre et prêta l’oreille. Une voix d’homme, stridente et flûtée, retentit soudain près de lui.
« C’est bien ! lui dit à brûle-pourpoint un petit Cosaque à bonnet blanc ; j’ai tout vu ! c’est bien ! »