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paroles, mais qu’elle était au-dessus de ces petitesses, et qu’elle savait depuis longtemps ce qu’il sentait sans pouvoir l’exprimer. « Comment ne le saurait-elle pas, quand c’est d’elle que je veux parler ? Elle fait semblant de ne pas me comprendre et ne veut pas répondre. »

« A-ou ! » cria tout à coup Oustinka, à quelques pas d’eux, et ils entendirent son rire perlé. « Viens m’aider, Mitri Andréitch ! » cria-t-elle à Olénine, et sa petite face ronde et naïve parut au milieu de la feuillée.

Olénine restait immobile et muet, Marianna continuait son travail, tout en regardant sans cesse le jeune bomme. Il voulait parler, mais s’interrompit brusquement, haussa les épaules, reprit sa carabine et s’éloigna à grands pas.


XXXII


Il s’arrêta plus d’une fois pour écouter le rire sonore de Marianna et sa conversation avec Oustinka, puis il s’en alla dans la forêt, où il passa la soirée à chasser. Il revint au crépuscule, sans avoir rien tué. En passant par la cour, il vit la porte du garde-manger ouverte et aperçut un béret de chemise bleu. Il appela avec intention à haute voix Vania, pour annoncer son retour, et s’assit sur le perron.

Les maîtres de la maison étaient rentrés ; il les vit passer sans qu’ils l’invitassent à aller chez eux.

Marianna franchit deux fois la porte cochère ; il lui parut qu’elle l’avait regardé ; il suivait avidement chacun de ses mouvements, mais il n’osait l’accoster. Quand elle rentra dans sa cabane, il descendit du perron et se mit à marcher dans la cour, mais Marianna ne reparut plus. Olénine passa toute la nuit à errer dans la cour, prêtant l’oreille au moindre bruit dans la cabane de ses hôtes ; il les vit