— Mais que t’a-t-il dit ?
— Ce qui se dit ordinairement, qu’il m’aime ; il me demande toujours d’aller avec lui dans le verger.
— Quelle peste ! tu n’y es pas allée, je suppose. Quel beau garçon il est devenu ! c’est le premier des djighites. Il s’en donne, à sa sotnia ! Kirka est arrivé dernièrement et a raconté qu’il a troqué un cheval superbe. Il s’ennuie sans toi, probablement. Que t’a-t-il encore dit ?
— Tu veux tout savoir ! dit Marianna en riant. Il est arrivé une nuit à cheval sous ma fenêtre, il était ivre et demandait à entrer.
— L’as-tu laissé entrer ?
— Certainement pas ; je lui ai signifié une fois pour toutes que non ! et je tiendrai parole, dit sérieusement Marianna.
— Quel beau garçon ! il n’y a pas de fille qui lui résistât
— Il n’a qu’à aller les chercher, dit fièrement Marianna.
— Est-ce que tu ne l’aimerais pas ?
— Si, je l’aime, mais je ne ferai pas de sottises pour lui. C’est mal. »
Oustinka laissa tomber sa tête sur le sein de sa compagne, elle l’enlaça de ses bras et riait au point qu’elle tremblait de tout son corps.
« Sotte que tu es ! s’écria-t-elle ! c’est le bonheur que tu repousses ! »
Elle se mit à chatouiller Marianna.
« Aïe ! laisse-moi donc ! criait Marianna en riant.
— Ces diables de filles qui s’ébattent ; elles n’en ont pas assez ! murmura la voix endormie de la vieille.
— Tu repousses ta bonne chance, répéta Oustinka à voix basse et en se levant. Es-tu heureuse, mon Dieu ! Tu es une vilaine et on t’aime tout de même. Ah ! si j’étais toi, quelle carotte j’aurais tirée au locataire ! Je l’observais quand vous étiez chez nous, il te dévorait des yeux. Mon diédouchka, que ne m’a-t-il pas donné ! et le tien est, dit-on, un des plus riches. Son valet dit qu’il a des serfs. »