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les récits du vieux. « Voilà mon Loukachka heureux ! » pensait-il, mais lui-même était abattu. Le vieux Cosaque s’enivra à tel point qu’il tomba sur le plancher. Vania dut avoir recours aux soldats pour remporter. Il était tellement furieux de la conduite inconvenante du vieux, qu’il oublia même de parler français.


XXIX


On était au mois d’août. Il n’y avait pas un nuage au ciel depuis plusieurs jours, le soleil dardait des rayons brûlants, un vent chaud soufflait depuis le matin et soulevait sur le chemin des tourbillons de sable brûlant, qui remplissait l’air et se posait sur les roseaux, les arbres, les toits des maisons ; l’herbe et les feuilles en étaient couvertes ; le chemin et les prés salés étaient à découvert et durcis par la chaleur. Les eaux du Térek avaient baissé et, en s’écoulant dans les canaux, y séchaient rapidement. Les bords de l’étang de la stanitsa étaient à sec et foulés par le bétail. On entendait toute la journée les enfants barboter et crier dans l’eau. L’herbe et les roseaux des steppes se desséchaient, le troupeau mugissait et fuyait vers les champs. Les bêtes fauves s’éloignaient du Térek et se réfugiaient dans les montagnes. Des nuées de moucherons bourdonnaient au-dessus des plaines et de la stanitsa. Un brouillard gris voilait les cimes neigeuses des montagnes, l’air était lourd et brumeux. On disait que les Abreks, profitant des basses eaux, passaient le fleuve et infestaient les environs. Chaque soir, le soleil était rouge à son coucher.

C’était la saison du plus rude travail ; toute la population était occupée de la vendange et de la récolte des melons d’eau. Les jardins, tout enchevêtrés de plantes grimpantes, offraient seuls un abri rafraîchissant. De