Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— As-tu beaucoup ajouté pour l’avoir ? demanda Olénine.

— Je ne sais, répondit Lucas en souriant, c’est un ami qui me l’a procuré.

— Superbe bête ! combien en voudrais-tu ? demanda Olénine.

— On m’en a offert cent cinquante monnaies, répondit gaiement Lucas ; mais je vous la donnerai pour rien. Dites un mot, et elle est à vous.

— Non ! pour rien au monde !

— Prenez alors ce poignard que j’ai rapporté pour vous. » Et Lucas déboucla son ceinturon et prit un des deux poignards qui y étaient attachés. « Je l’ai trouvé au delà du fleuve.

— Merci.

— Ma mère vous apportera le raisin qu’elle vous a promis.

— C’est inutile, nous ferons un jour nos comptes ; car je ne veux pas te donner d’argent pour le poignard.

— Certainement non ! nous sommes amis. Ghireï-Khan m’a amené dans sa hutte et m’a fait choisir le poignard qui me plaisait le mieux. J’ai pris celui-ci. C’est l’usage chez nous. »

Ils rentrèrent dans la cabane et prirent un verre de vin.

« Vas-tu rester ici ? demanda Olénine.

— Non, je suis venu prendre congé. On m’envoie de l’autre côté du Térek avec la sotnia. Je pars avec Nazarka, mon camarade.

— À quand donc la noce ?

— Je reviendrai pour les fiançailles, puis je retourne à mon service, répondit à contre-cœur Lucas.

— Et tu ne verras même pas la fiancée ?

— Mais non ; pourquoi la verrais-je ? Quand vous irez en expédition, demandez à la sotnia Lucas le large. Que de sangliers il y a là-bas ! j’en ai tué deux. Je vous mènerai à la chasse.