« Je crains ta mère ; elle m’a reçu avec un torrent d’injures la première fois que je me suis présenté. »
Marianna éclata de rire.
« Et tu as eu peur ? » dit-elle en le regardant.
Puis elle se détourna.
C’était la première fois qu’Olénine voyait en plein le visage de la jeune fille ; jusqu’à ce moment, il ne l’avait vue que couverte jusqu’aux yeux d’un mouchoir. On avait raison de dire qu’elle était la plus belle fille de la stanitsa. Oustinka était jolie, forte, fraîche et rose ; elle avait des yeux bruns, pétillants de gaieté, un sourire constant sur ses lèvres vermeilles, toujours bavardant, toujours riant ; Marianna n’était pas une jolie fille, c’était une beauté parfaite. Ses traits auraient paru trop prononcés et trop grands, n’eût été sa haute taille élancée, sa puissante poitrine, ses larges épaules, et principalement cette expression à la fois tendre et sévère de ses longs yeux noirs ombragés de cils foncés, et ce sourire caressant de sa bouche. Elle souriait rarement, et son sourire frappait toujours. Elle était la force et la santé mêmes. Toutes ces jeunes filles étaient charmantes, mais elles toutes, et Béletsky, et le soldat qui avait apporté les friandises, tous regardaient involontairement Marianna, et, en se tournant vers les jeunes filles, on ne s’adressait qu’à Marianna. Elle avait l’air d’une jeune reine, heureuse et fière, entourée de ses sujets.
Béletsky, pour animer la soirée, bavardait sans relâche et obligeait les jeunes filles à lui offrir du vin ; il se démenait avec elles et faisait en français des remarques inconvenantes à Olénine sur la beauté de Marianna, qu’il nommait « la vôtre », engageant le jeune homme à suivre son exemple. Olénine sentait dans l’âme un poids qui allait s’alourdissant. Il cherchait un prétexte pour s’enfuir, quand Béletsky déclara qu’Oustinka devait, en honneur de sa fête, leur offrir du vin et les embrasser.
Elle y consentit, mais à condition qu’on lui mettrait