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« On pourrait en goûter avec du miel », dit une voix dans le groupe.

On appela le vieux soldat, qui revenait avec le miel et les pains d’épice. Il regardait la société en dessous : était-ce envie ou mépris ? À son avis, ses maîtres se livraient à la débauche. Il leur remit les friandises achetées et allait s’expliquer sur le prix et le change, mais Béletsky le mit dehors.

Après avoir mêlé le miel au vin versé dans des verres, et jeté avec ostentation trois livres de pains d’épice sur la table, Béletsky tira de force les jeunes filles de leur coin, les fit asseoir et leur distribua les friandises…

Olénine remarqua involontairement que la petite main hâlée de Marianna avait saisi deux pains d’épice et ne savait qu’en faire. La conversation était contrainte et désagréable, malgré le ton dégagé d’Oustinka et de Béletsky et les efforts qu’ils faisaient pour animer la société. Olénine était embarrassé, se tourmentait l’esprit pour trouver quelque chose à dire ; il sentait qu’il excitait la curiosité, qu’il prêtait à rire et que son embarras gagnait les autres ; il rougissait et croyait que Marianna plus que les autres n’était pas à son aise.

« Elles s’attendent à ce que nous leur donnions de l’argent, pensait-il ; comment faire ? Si on pouvait le donner vite et s’en aller ! »


XXV


« Comment, ne connais-tu pas ton locataire ? dit Béletsky en s’adressant à Marianna.

— Comment le connaitrais-je quand il ne vient jamais chez nous ? » répondit Marianna en jetant un regard à Olénine.

Olénine, épouvanté, rougit et, ne sachant que dire, balbutia :