« Elle est confuse, la chère petite ! elle est confuse, » lui cria gaiement Béletsky, et il monta en courant le petit perron. « C’est vous, Olénine, qui l’embarrassez.
— Qui donne le bal ? Qui vous a mis à la porte ?
— Oustinka, la maîtresse de mon logis ; vous êtes invité. Il y a bal, c’est-à-dire gâteaux et réunion de jeunes filles.
— Qu’y ferons-nous ? »
Béletsky sourit malicieusement, cligna de l’œil et fit un signe de la tête du côté où Marianna avait disparu.
Olénine haussa les épaules et rougit.
« Vrai Dieu ! vous êtes étrange, dit-il.
— Allez donc ! vous m’en contez ! »
Le visage d’Olénine s’assombrit ; Béletsky s’en aperçut et sourit d’un air insinuant.
« Quoi donc ? dit-il, vous logez dans la même maison, et c’est une bonne et charmante fille, une beauté…
— Une beauté remarquable, dit Olénine ; je n’en ai jamais vu de pareille.
— Eh bien ! à quoi cela tient-il ? demanda Béletsky, n’y comprenant rien.
— Cela peut paraître étrange, répondit Olénine, mais pourquoi tairais-je la vérité ? Depuis que je suis ici, les femmes n’existent pas pour moi, et je m’en trouve fort bien, je vous assure ! Et puis, qu’y a-t-il de commun entre ces femmes et nous ? Jérochka, c’est autre chose ! la passion de la chasse nous rapproche.
— Voyez-vous cela ! quoi de commun ?… Et qu’y a-t-il de commun entre Mme Amélie et moi ? Si vous disiez que les femmes d’ici sont sales, j’en conviendrais, mais à la guerre comme à la guerre !
— Pour ma part, je n’ai jamais eu affaire à une Mme Amélie, et je n’aurais su que faire d’elle, répondit Olénine ; on ne peut estimer ses pareilles, tandis que j’estime celle-ci.
— Estimez-les, morbleu ! personne ne vous en empêche ! »