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dans les banquets gras des vendredis redevenus saints, mais il n’aurait pas d’ennemis plus ennemis que ceux de nos Français qui se réclament le plus de lui, pour la critique sociale et pour la décomposition.

Les Russes ne s’y sont pas trompés. Quand l’année dernière l’excommunication de Tolstoi eut donné le signal d’un mouvement pour la liberté en Russie et que je tâchai de faire avec certains Russes réfugiés à Paris ce cahier que la mauvaise foi des auteurs éventuels rendit impossible, je croyais que les Russes révolutionnaires avaient pour Tolstoi au moins du respect. Je fus étonné quand j’entendis comme ils en parlaient, et surtout comme ils s’en taisaient.

Des Français qui se classent révolutionnaires ne s’y sont pas trompés. On n’a pas oublié comme les enseignements de Tolstoi furent d’abord accueillis par M. Gohier. L’acuité surexcitée, la haine surtendue de ce virulent pamphlétaire avait deviné en Tolstoi un ennemi. C’est alors que M. Gohier avait raison. Il est vrai que M. Gohier serait le plus grand ennemi d’un Tolstoi français. L’homme qui apporte aux guerres civiles un entraînement de férocité que les guerres militaires n’ont pas toujours connu n’a rien de commun avec l’antimilitarisme d’un Tolstoi.

Anxieux de se trouver des alliés, même inconciliables, et des armes, contradictoires, M. Gohier, dans sa précipitation fiévreuse, a depuis adopté envers Tolstoi une situation intenable. C’est un maniaque, nous dit-il, un maniaque religieux. Il croit en Dieu, au Dieu chrétien. À part cela, ses arguments sont fort bons, et je m’en sers.

Mais on ne peut pas ainsi décortiquer un homme. On