ne parlait qu’à contre-cœur et d’un ton traînant. Les musiciens recommençaient languissamment, pour la trentième fois, le même motif. La grande demoiselle avec qui j’avais dansé faisait la figure. Elle m’aperçut, sourit perfidement et vint à moi, sans doute pour faire plaisir à grand’mère, en amenant Sonia et l’une des innombrables Kornakof.
« Rose ou ortie ? me demanda-t-elle.
— Ah ! tu es là ? fit grand’mère en se retournant sur son fauteuil. Va, mon ami, va. »
J’avais plus envie de me cacher sous le fauteuil de grand’mère que d’aller ; mais comment refuser ? Je me levai, répondis : « Rose, » et regardai timidement Sonia. Je n’avais pas eu le temps de me reconnaître qu’une main gantée de blanc se trouvait dans la mienne et que la jeune princesse Kornakof se mettait en mouvement avec le sourire le plus engageant ; elle ne se doutait pas que je ne savais absolument que faire de mes jambes.
Je savais que le « pas de Basques » n’était pas à propos et qu’il pourrait même m’attirer un affront ; néanmoins, l’air connu de la mazurke produisant sur mes nerfs auditifs une excitation familière, l’oreille transmit cette excitation aux jambes, qui se mirent involontairement à exécuter sur la pointe des pieds le pas fatal, avec glissades et ronds de jambe. On me considérait avec étonnement. En ligne droite, cela allait encore, mais je m’aperçus qu’au tournant, si je ne faisais pas attention, je me trouverais inévitablement en avant de ma danseuse. Pour éviter ce désagrément, je m’arrêtai, avec l’intention d’imiter ce que j’avais vu faire si élégamment au jeune homme du premier couple. Mais au moment même où j’allais sauter, la jeune princesse tourna précipitamment autour de moi et se mit à contempler mes pieds d’un air de curiosité bête et d’étonnement. Cela me perdit. Je me troublai au point qu’au lieu de danser je piétinais sur place, de la manière la plus bizarre et pas même en mesure. Cela ne