apporta à travers la classe un frac bleu, accompagné d’objets blancs. J’entendis à la porte qui donnait sur l’escalier la voix d’une des femmes de chambre de ma grand’mère. Je sortis sur le palier pour savoir ce qu’elle voulait. Elle portait sur ses mains une chemise très empesée, et elle me raconta qu’elle ne s’était pas couchée de la nuit, pour que la chemise fût lavée et repassée à temps. Je m’offris à la porter à Karl Ivanovitch et je demandai si grand’mère était levée. « Comment, si elle est levée ! Elle a pris son café et l’archiprêtre est arrivé. Êtes-vous beau, au moins ! » ajouta-t-elle avec un sourire en regardant mon costume neuf.
Cette remarque me fit rougir. Je pirouettai sur un talon, fis claquer mes doigts et exécutai un saut. Ces mouvements étaient destinés à lui faire comprendre qu’elle-même ne savait pas à quel point j’étais beau.
Quand j’entrai chez Karl Ivanovitch avec la chemise, il était trop tard ; Karl Ivanovitch en avait mis une autre. Je le trouvai courbé devant le petit miroir posé sur sa table et tenant à deux mains sa cravate des grands jours. Il vérifiait si elle ne gênait pas les mouvements de son menton rasé de frais et, réciproquement, si son menton entrait facilement dans sa cravate. Il tira nos habits par devant et par derrière, pria Kolia de lui rendre le même service et nous emmena chez grand’mère. Je ris en pensant à l’odeur de pommade que nous répandions tous les trois dans l’escalier.
Karl Ivanovitch portait une petite boîte en carton, de sa fabrication. Volodia tenait son dessin, et moi mes vers. Chacun de nous avait sur le bout de la langue le compliment qui devait accompagner son cadeau. Au moment où Karl Ivanovitch ouvrit la porte de la salle, le prêtre avait déjà revêtu sa chasuble et la prière d’actions de grâces commençait.
Grand’mère, toute voûtée et s’appuyant avec les mains sur le dossier d’une chaise, était debout près de la muraille