sons, va en croissant ; les gouttes de rosée, étincelant sous la lune, des plates-bandes, et les ombres gracieuses dessinées par les touffes de fleurs ; le cri de la caille, de l’autre côté de l’étang ; la voix d’un homme qui passe sur la grande route ; le bruit léger, presque imperceptible, que font deux vieux bouleaux en se frôlant ; la chanson d’un moustique qui s’est glissé sous ma couverture, près de mon oreille ; la chute d’une pomme, qui était restée accrochée aux branches, sur les feuilles mortes ; les sauts des grenouilles, qui s’avancent quelquefois jusqu’aux marches du perron et dont les dos verts prennent au clair de lune un éclat mystérieux : tout cela revêt pour moi un sens étrange, celui d’un excès de beauté et d’un bonheur demeuré imparfait. Et voici, elle paraît. Elle a une longue natte noire, une riche poitrine, elle est invariablement triste et belle, elle a les bras nus et des caresses voluptueuses. Elle m’aime, je donne toute ma vie pour une seule minute de son amour. Mais la lune, dans le ciel, est de plus en plus haute, de plus en plus brillante ; l’éclat resplendissant de l’étang, augmentant comme un son qui enfle, devient de plus en plus éblouissant, les ombres sont de plus en plus noires, la lumière de plus en plus transparente, je regarde et j’écoute, et quelque chose me dit qu’elle, avec ses bras nus et ses ardeurs, il s’en faut de beaucoup que ce soit le bonheur parfait ; que l’amour pour elle est infiniment loin d’être le bien parfait ; et plus je regarde la lune haute et pleine, plus la vraie beauté et le vrai bonheur me paraissent monter, monter encore, s’épurer, s’épurer encore, se rapprocher, se rapprocher encore de Celui qui est la source de toute beauté et de tout bien. Des larmes d’une joie inassouvie mais troublante me montent aux yeux.
Et j’étais toujours seul, et il me semblait toujours, dans ces instants, que la nature, dans sa majesté mystérieuse ; que le rond brillant de la lune, arrêté à un endroit indéterminé, tout en haut du ciel bleu pâle, mais en même