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soulever pour boutonner ma tunique et arranger mes cheveux : ce qu’elles exécutèrent, mais en levant les coudes à une hauteur extraordinaire. J’ordonnai ensuite à mes pieds de me conduire à la porte et ils obéirent ; mais tantôt ils frappaient lourdement le plancher, tantôt ils posaient à peine ; le gauche surtout se tenait toujours sur la pointe. Une voix me cria : « Où vas-tu ? On apporte de la lumière. » Je devinai que cette voix était celle de Volodia et je me sus gré de l’avoir deviné ; mais je souris pour toute réponse et poursuivis ma route.


LVIII

JE ME PRÉPARE À FAIRE DES VISITE


Le lendemain était notre dernier jour à Moscou, et j’étais obligé de faire des visites. Papa me l’avait ordonné, et il avait inscrit lui-même les visites à faire sur un morceau de papier. Notre père s’inquiétait beaucoup moins de notre éducation et de notre direction morale que de nos relations mondaines. Il avait mis sur le morceau de papier, de son écriture rapide et saccadée :

1o Chez le prince Ivan Ivanovitch ; indispensable.

2o Chez les Ivine ; indispensable.

3o Chez le prince Mikhaïl.

4o Chez la princesse Nékhlioudof et Mme Valakhine ; si tu as le temps.

Venaient ensuite le recteur et les professeurs, mais Dmitri m’assura que ces dernières visites étaient plus qu’inutiles. Il fallait faire toutes les autres dans la journée, et les deux premières, celles où il y avait indispensable, m’intimidaient tout particulièrement. Le prince Ivan Ivanovitch avait été général en chef, il était vieux, riche et seul ; les relations entre lui et un étudiant de seize ans ne