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seulement de quelques pas. Entre les fenêtres et la muraille était un petit massif de lilas. Aucun son du dehors ne pénétrait dans la cellule, tellement qu’au milieu de ce silence le tic-tac régulier du balancier paraissait presque un bruit violent.

À peine me trouvai-je seul dans ce recoin paisible, que les idées et les remords qui m’avaient amené me sortirent de la tête aussi complètement que s’ils n’y étaient jamais entrés et que je m’enfonçai dans une rêverie délicieuse. Cette robe en nankin jaunâtre, avec sa doublure percée ; ces livres usés, avec leurs reliures en peau noire et leurs fermoirs de cuivre ; ces arbustes d’un vert sombre, avec leur terre soigneusement ratissée et leurs feuilles luisantes ; par-dessus tout, ce son intermittent et monotone du balancier : tout me parlait d’une vie nouvelle, ignorée de moi jusqu’à ce jour, d’une vie de solitude, de prière, de bonheur tranquille…

« Les mois passent, me disais-je, les années passent ; il est toujours seul, toujours paisible : il sent toujours que sa conscience est pure devant Dieu et que sa prière est entendue ! »

Il y avait une demi-heure que j’attendais, assis sur ma chaise, tâchant de ne pas bouger et de ne pas faire de bruit en respirant, de peur de troubler l’harmonie des sons légers qui me disaient tant de choses. Le balancier continuait son tic-tac, un peu plus fort à droite, un peu plus faible à gauche.


LIII

LA SECONDE CONFESSION


Les pas de notre confesseur me tirèrent de ma rêverie. « Bonjour, dit-il en passant sa main sur ses cheveux gris. Qu’est-ce que vous me voulez ? »