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ma pensée, me donnait un air rêveur, et descendis au divan, où les saintes images étaient déjà disposées sur une table recouverte d’une nappe. Autour des images étaient des cierges allumés. Au moment où j’entrai, papa entrait aussi par une autre porte. Le confesseur, un vieux moine à cheveux gris et à figure austère, bénit papa. Papa baisa sa main courte, large et sèche ; j’en fis autant.

« Appelez Volodia, dit papa. Où est-il ? Ou plutôt, non ; il se prépare à la communion à l’Université.

— Il est occupé avec le prince, » dit Catherine en regardant Lioubotchka.

Lioubotchka rougit, fronça le sourcil en faisant semblant d’avoir mal quelque part et sortit de la chambre. Je la suivis. Elle s’était arrêtée dans le salon et ajoutait quelque chose au crayon sur son papier.

« Comment, encore un nouveau péché ? lui demandai-je.

— Non ; ce n’est rien, » répondit-elle en rougissant encore plus.

Au même instant, on entendit dans l’antichambre la voix de Dmitri. Il disait adieu à Volodia.

« Tout est tentation pour toi, » dit Catherine en entrant et en s’adressant à Lioubotchka.

Je ne compris rien à ce qui arrivait à ma sœur. Elle était confuse au point que ses yeux se remplirent de larmes et que son trouble se changea en dépit contre elle-même et contre Catherine : il était évident que celle-ci l’agaçait.

« On voit bien, lui dit-elle, que tu es une étrangère (rien au monde ne pouvait être plus blessant pour Catherine que ce mot d’étrangère ; c’est bien pour cela que Lioubotchka s’en servait). Au moment d’un mystère comme celui-ci, continua-t-elle d’une voix solennelle, tu viens me troubler exprès… Tu devrais comprendre…, ce n’est pas une plaisanterie.

— Sais-tu ce qu’elle a écrit, Nicolas ? dit Catherine, piquée