représentait ce tout, j’aurais été bien en peine de le dire ; mais je sentais vivement ce tout d’une vie intelligente, vertueuse et irréprochable.) Je rédigerai mes cours et je les préparerai même d’avance, de sorte que je serai premier, et je ferai une thèse. En entrant en seconde année, je saurai déjà mon cours d’avance ; on me fera sauter en troisième année, et à dix-huit ans je serai premier candidat, avec deux médailles d’or. Ensuite je passerai ma licence, mon doctorat, et je deviendrai le premier savant de la Russie… pourquoi pas de l’Europe ?
« Et après ? »
Ici je m’aperçus que je retombais dans le péché d’orgueil, celui dont je devais précisément me confesser le soir même, et je revins à mon premier sujet.
« Pour préparer mes cours, j’irai grimper à pied sur la colline des Moineaux ; je choisirai une bonne place sous un arbre et je lirai ; J’emporterai quelque chose à manger : du fromage, ou des gâteaux de chez Pédotta, ou n’importe quoi. Je me reposerai un peu, et puis je me mettrai à lire un bon livre, ou à dessiner d’après nature, ou à jouer d’un instrument quelconque (il faudra que j’apprenne la flûte). Elle viendra aussi se promener sur les Moineaux et elle m’abordera en me demandant « qui je suis ». Je la regarderai tristement (comme ça) et je lui répondrai que je suis le fils d’un prêtre et que je ne suis heureux que sous cet arbre et quand je suis seul, absolument seul. Elle me donnera la main, dira quelque chose et s’assoira à côté de moi. Nous nous retrouverons tous les jours au même endroit, nous deviendrons amis et je l’embrasserai…… Non, voilà qui n’est pas bien. Au contraire, à dater d’aujourd’hui, je ne regarderai plus les femmes. Je n’entrerai plus jamais, jamais, dans la chambre des servantes ; je tâcherai même de ne pas passer devant la porte ; dans trois ans je serai émancipé et je me marierai.
« Je ferai beaucoup d’exercice, tous les jours de la gymnastique : à vingt-cinq ans, je serai plus fort que Rappo.