— Oui. Grand’mère veut vivre tout à fait avec nous.
— Nous demeurerons tous ensemble ?
— Naturellement. Nous aurons la moitié du haut, papa habitera l’aile et nous dînerons tous ensemble en bas, chez grand’mère.
— Maman dit que grand’mère est si imposante, si irritable ?
— Non. Ça fait cet effet-là au commencement. Elle est imposante, mais pas du tout irritable ; au contraire, elle est très bonne, très gaie. Si tu avais vu notre bal, pour sa fête !
— C’est égal, j’ai peur d’elle. Du reste, Dieu sait si nous…… »
Catherine se tut brusquement et redevint pensive.
« Quoi ? demandai-je avec inquiétude.
— Rien.
— Si ; tu as dit : « Dieu sait…… »
— Tu disais que le bal de ta grand’mère avait été très beau ?
— Oui ; quel dommage que vous n’ayez pas été là ! Il y avait une masse de gens, mille personnes ! et de la musique, des généraux, et j’ai dansé…… Catherine ! dis-je en m’arrêtant tout à coup au milieu de ma description. Tu ne m’écoutes pas ?
— Si, j’écoute. Tu disais que tu as dansé.
— Pourquoi as-tu l’air si triste ?
— On n’est pas toujours gaie.
— Non, tu n’es plus du tout la même depuis que nous sommes revenus de Moscou. Voyons, continuai-je d’un ton décidé en me tournant vers elle, dis-moi pourquoi tu es devenue toute singulière ?
— Je suis singulière ? répliqua Catherine avec une vivacité qui montrait que ma remarque l’avait intéressée. Je ne suis pas du tout singulière.
— Non, tu n’es plus comme tu étais, poursuivis-je. Avant, on voyait que tu ne faisais qu’un avec nous, pour