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couper des bandes de toile pour les pieds, à acheter des demi-bottes neuves.

Enfin l’heure arriva de la séparation. Les parents firent la conduite aux pèlerins jusqu’en pleine campagne, et l’on échangea les adieux ; puis les vieillards se lancèrent bravement vers le monde lointain.

Élisée s’éloigna gaillardement et d’un cœur léger du village natal, laissant derrière lui tous les petits soucis, toutes les préoccupations. Désormais toutes ses facultés ne tendaient plus qu’à ceci : se montrer envers son cher compagnon serviable et aimable, ne plus avoir sur la langue de vilains mots, et rentrer à son foyer après avoir atteint pieusement le but sacré qu’il poursuivait. Aussi suivait-il son chemin, un doux sourire sur les lèvres et en marmottant tout bas une prière ou quelque passage de la Vie des Saints, tout cela récité par cœur. Et s’il rencontrait un passant, ou s’il s’arrêtait pour la nuitée, il s’efforçait de se montrer cordial et fraternel, en ne tenant que des discours agréables à Dieu. Ainsi chemine-t-il en pèlerin au cœur content.

Il n’y avait qu’une seule chose qu’Élisée ne