Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il s’en alla plus loin ; cette fois le maître du logis s’y trouvait, mais il jura ses grands dieux qu’il n’avait pas d’argent et donna vingt kopecks seulement.

Il vint alors à l’idée du cordonnier qu’il fallait acheter la peau à crédit. Mais le marchand auquel il s’adressa ne voulut pas l’entendre de cette oreille.

— Avec de jolis petits roubles, tu pourras choisir tout ce qui te fera plaisir ; mais pas d’argent, pas de marchandise. Ah ! nous serions bien refaits avec les crédits, nous savons ce qu’il en retourne.

Le pauvre cordonnier ne s’était guère attendu à ce qui lui arrivait. Vingt pauvres kopecks, le prix d’un mauvais rapiéçage, voilà tout ce qu’il remportait de sa tournée, avec une paire de vieux chaussons de feutre qu’un paysan lui avait donnés à regarnir.

Le chagrin et le souci lui rongeaient le cœur ; il entra au premier cabaret qu’il trouva sur sa route, y but pour ses vingt kopecks et reprit le chemin du logis. Il avait gelé ; notre homme était sans sa fourrure ; néanmoins, il se sentait