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dons la crainte de Dieu dans nos cœurs. Voyez-vous, mes amis, je ne prétends pas vous donner des conseils de moi-même, et, si la loi de Dieu nous enseignait qu’un mal peut en détruire un autre, je me joindrais à vous pour agir ; mais Dieu commande tout autre chose. Vous croyez extirper le mal de la terre, mais vous-mêmes vous en gardez les racines dans vos cœurs. Tuer un de ses semblables n’est pas une action sensée : le sang rejaillit sur le meurtrier et lui laisse une trace ineffaçable ; vous croyez dans votre illusion chasser le mal, sans vous apercevoir que c’est le mal qui vous fait agir ; comme dit le proverbe : « Regardez la misère en face, et elle baissera les yeux. »

Ce discours ébranla l’auditoire. Les uns inclinaient à suivre les sages conseils du pieux Michejew, et voulaient patienter plutôt que de commettre un si grand péché ; les autres écoutaient les excitations de Wassili.

Quand arriva le jour de Pâques, les paysans célébrèrent la fête suivant la vieille coutume. Vers le soir, le starosta, ou ancien du village, se présenta, accompagné des greffiers de la com-