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Le domaine était vaste, le sol fertile, riche en forêts et en prairies bien arrosées, et les paysans qui devaient y travailler y auraient vécu heureux et en parfait accord avec leurs maîtres, si la méchanceté de l’intendant n’y avait mis obstacle.

Il n’était auparavant qu’un simple serf sur un autre domaine ; mais il ne fut pas plus tôt élevé à la charge d’intendant, qu’il foula aux pieds les pauvres paysans. Il avait une famille, composée de sa femme et de deux filles, et depuis longtemps il avait, comme on dit, fait son petit magot. Il pouvait mener une vie tranquille et aisée à l’abri de tout souci, si la passion de l’envie ne l’avait rendu rapace et cruel.

Il commença par restreindre les franchises des paysans, qu’il surchargea de corvées. Il établit une tuilerie, et hommes et femmes furent astreints à un travail accablant ; il vendait sa brique et en tirait un beau profit. Les paysans, révoltés de se voir ainsi cruellement exploités, essayèrent de se plaindre à leur seigneur ; ils firent exprès le voyage de Moscou, mais le seigneur n’écouta pas leurs plaintes, et loin d’ob-