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et, remontant au ciel, je me présentai devant le trône de Dieu et lui dis :

« — Je n’ai pu prendre l’âme de la nouvelle mère. Son mari est mort dans la forêt, elle reste seule avec deux jumeaux, et m’a supplié de lui laisser le temps de les élever et je n’ai pu me résoudre à lui enlever son âme. »

— Alors le Seigneur Dieu m’ordonna de nouveau :

« — Va, te dis-je, prendre l’âme de cette mère, et quand tu entendras ces trois paroles : Ce qu’il y a dans le cœur de l’homme ; — ce que l’homme ne peut pas connaître ; — ce qui garde la vie de l’homme ; — quand tu les auras entendues et que tu en comprendras le sens, tu pourras rentrer au ciel. »

« Alors les petits enfants tombèrent des bras de leur mère, qui s’affaissa lourdement sur l’une d’elles et lui estropia le pied pour toujours. Je m’envolai avec l’âme de la morte, mais un tourbillon me brisa les ailes, et je tombai près du village, pendant que l’esprit s’en allait seul à Dieu. »