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paisible, s’il n’avait eu au-dedans de lui, comme un ver rongeur, sa querelle avec le voisin.

Il entra d’un air sombre, chassa le chat du banc pour prendre sa place, et se mit à malmener les femmes au sujet d’une cuve à lessive qu’on n’avait pas remisée en son lieu. Il s’assit, le front plissé et le cœur plein d’amertume, et se mit à raccommoder son harnais. Mais les menaces de son ennemi ne pouvaient lui sortir de l’esprit. Ce que Gravila avait dit en justice, les choses horribles qu’il venait de proférer, le son étrange de sa voix quand il disait : « J’aurais dû le tuer comme un chien, » tout cela l’obsédait comme un cauchemar.

Sa femme continuait d’aller et de venir. Taraska, après avoir soupé, endossa son kaftan, jeta sur ses épaules une peau de mouton, boucla sa ceinture et sortit après s’être encore muni d’un morceau de pain.

Ivan l’accompagna dans la cour. La nuit était obscure, le ciel s’était couvert, un grand vent soufflait sur la ferme. Quand il eut aidé son fils à monter à cheval, Ivan lâcha le poulain