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À sa grande surprise, elle voit que deux hommes sont entrés : l’un est son mari, l’autre une façon de paysan, en hautes bottes de feutre, sans bonnet, en somme, un singulier compère.

L’odorat de Matréma avait deviné aussitôt le parfum de l’eau-de-vie.

— Grand Dieu ! pensa-t-elle, quelque chose me l’avait bien dit, mon homme a bu.

Mais quand elle vit qu’il était sans kaftan, à peine vêtu du vieux mantelet, et qu’il se tenait là comme un coupable, sans rien dire, sans savoir ou regarder, elle crut sentir son cœur se briser.

— Il s’est enivré, dit-elle avec une douloureuse amertume, il a bu notre pauvre argent avec cet ivrogne et voilà qu’il l’amène encore ici.

Les deux hommes entrèrent dans la chambre, Matréma les suivit, tout entière à dévisager l’inconnu. Elle remarque qu’il est fort jeune, qu’il a le teint hâve, le maintien timide et qu’il porte son propre kaftan, sur sa peau encore ! Pas trace de chemise, pas plus que de coiffure ! Il est entré et est resté fixé sur place, ne bougeant plus, n’osant lever les yeux.