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affaire avec Gravila et les exhortations paternelles auxquelles elle avait donné lieu. Mais comme il allait ouvrir la porte de sa demeure, des propos injurieux frappèrent son oreille. Ils partaient de chez le voisin, dont la voix, étranglée par la colère, lui arrivait comme un écho par-dessus la muraille :

— Il est bon à donner au diable, lui et toute sa famille ! Cette fois, la mesure est comble ! J’aurais dû le tuer comme un chien.

Ivan tendit l’oreille, immobile, écoutant tout ce que la rage inspirait à Gravila. Il rentra ensuite en secouant la tête. Il était inquiet et parlait tout seul.

On avait déjà allumé. La jeune paysanne était assise à son rouet, pendant que sa belle-mère faisait les apprêts du souper. L’aîné des fils était en train de border une paire de pantouffles avec de vieux débris de cuir ; un autre des garçons, assis à la table, avait un livre ouvert devant lui, et Taraska achevait de s’ajuster pour monter à cheval.

Tout dans la chambre eût offert à Ivan le tableau d’une vie heureuse et d’un bonheur