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que Dieu fit, il y avait échange d’épithètes malsonnantes ou même de coups entre les membres des deux familles. Les enfants ne manquaient pas de suivre l’exemple de leurs parents, et quand les femmes se rencontraient au ruisseau qui servait de lavoir commun, leurs battoirs allaient moins vite que leur langue. Le mal s’envenimait chaque jour davantage.

On avait commencé par des calomnies ; maintenant, c’étaient des accusations formelles. Si quelque objet avait été oublié dans la cour de l’un d’eux, celui-ci le traînait ou le rejetait violemment chez le voisin. Peu à peu, les femmes et les enfants prenaient des habitudes d’aigreur qui s’introduisirent ainsi dans l’intérieur de chaque famille. Quant à Ivan et à Gravila, ils fatiguaient de leurs querelles le juge, le tribunal et l’assemblée de la communauté.

Les juges eux-mêmes étaient pris de dégoût. Tantôt Ivan jouait un mauvais tour à Gravila, tantôt celui-ci lui rendait la pareille. Et, chaque fois, c’était l’amende ou la « chambre froide » pour l’un ou pour l’autre. Plus ils se faisaient de mal, plus leur inimitié allait croissant ; deux