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mourir de chagrin le père de ton mari ! — Va, on te connaît bien, mendiante ! Qui a troué notre tamis à farine, n’est-ce pas toi ? Et le seau que tu tiens à la main, n’est-il pas aussi à nous ? Rends-le-moi tout de suite ; je le veux ! »

Et les deux femmes se disputent le seau, qui asperge leurs jupes, puis s’arrachent leurs fichus ; elles finissent par se prendre aux cheveux. Gravila arrivait en ce moment, revenant des champs ; il prit la défense de sa femme, tandis qu’Ivan et son fils aîné, attirés par le bruit, accouraient d’autre part. Ivan, qui était taillé en Hercule, se jeta au milieu des combattants et les sépara d’un coup, en arrachant une poignée de barbe à Gravila. Les gens du voisinage, qui s’étaient rassemblés aussi, eurent beaucoup de peine à empêcher la lutte de recommencer.

Gravila enveloppa soigneusement la mèche de poils arrachée dans du papier, et s’en fut de ce pas chez le juge.

— Je ne me suis pas laissé pousser la barbe, dit-il, pour que celui-là, avec ses taches de rousseur, se permette de me l’arracher !