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— Sais-tu, grand’mère, que ma poule a volé dans votre cour aujourd’hui ? N’y a-t-elle point fait son œuf ? N’avez-vous rien trouvé ?

— Nous avons nos poules, Dieu merci, et elles pondent depuis longtemps, répondit la vieille, un peu piquée par l’ardeur excessive que la visiteuse mettait dans son langage. Nous ne recueillons que nos œufs, nous n’avons pas l’habitude d’aller les chercher chez les autres.

Ces paroles désobligeantes vexèrent la jeune femme ; elle répondit un mot de trop, la voisine en ajouta deux, et, d’une parole à l’autre, on en vint bientôt aux injures. La femme d’Ivan, qui passait en portant son eau, se mit de la partie ; la femme de Gravila accourut à son tour et reprocha à sa jeune voisine sa sotte conduite, en rafraîchissant de vieilles histoires oubliées, non sans ajouter, dans l’ardeur de la dispute, d’autres choses de sa propre invention. Bientôt ce fut un flux de paroles aigres ; un mot n’attendait pas l’autre, toutes criaient à la fois. Les épithètes les plus grossières se croisaient : « Tu es une ci, tu es une ça, une malpropre ! — Et toi, tu es une salope, une voleuse ! tu as fait