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allait chez le voisin, qui se trouvait tout heureux de pouvoir rendre service. Si le veau prenait fantaisie de tenter une excursion dans l’aire de l’autre ferme, on le chassait doucement, et l’on se contentait de prévenir le propriétaire : « Voisin, tenez votre veau, notre blé est étendu sur l’aire. » Mais se garer les uns des autres, vouloir que le bétail reste enfermé ou bien se calomnier réciproquement, nul n’y aurait songé.

Mais tout changea quand les jeunes eurent pris les rênes en mains.

L’affaire commença par une vétille, moins qu’un fétu de paille. La bru d’Ivan avait une poule, excellente pondeuse, qui devançait toutes les autres au printemps, et la jeune femme avait mis sa gloire à recueillir ses œufs pour en avoir une provision en vue des fêtes de Pâques. Tous les matins, elle allait fouiller dans les caisses des chars remisés sous le hangar au bois, et ne manquait pas d’en rapporter triomphalement l’œuf tout frais pondu. Or, un jour, la poule, effrayée sans doute par les cris des enfants, s’en alla, en volant par-dessus le mur, déposer