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l’air d’un vagabond ni d’un mauvais sujet ; il parlait avec une grande douceur. Pourquoi refusait-il de s’expliquer ? « Mon Dieu ! pensait le savetier, il y a bien des choses qu’on ignore en ce monde. »

Il reprit :

— Eh bien ! viens-t’en chez moi, tu y auras au moins un moment de repos.

Le cordonnier suivait d’un pas allègre le chemin de sa demeure et l’étranger le suivait.

En ce moment, le vent s’engouffra sous la chemise nue de Sema ; la chaleur de l’ivresse était éteinte, il sentit douloureusement le souffle glacé. Tout frissonnant, il hâta le pas, en étirant sans pitié le mantelet de sa femme pour en couvrir sa poitrine. Il pensait tristement :

— Je suis sorti, ce matin, pour acheter une pelisse en peau de mouton, et je rentre sans un habit, amenant un homme nu par-dessus le marché. C’est ça qui ne va pas contenter Matréma !

En prononçant le nom de sa femme, le pauvre homme eut un serrement de cœur. Il