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Une large main couverte de poils, amaigrie et décolorée, serra sa souquenille sur une poitrine couverte d’une chemise sale.

— Donne-moi à boire, frère… As-tu quelque chose ?

Le garçon lui tendit une écuelle pleine d’eau.

— Eh ! Fedka ! dit-il d’un air embarrassé, tu ne te sers sans doute pas de tes bottes neuves en ce moment,… prête-les-moi, tu ne les mettras plus sans doute…

Le malade inclina la tête vers l’écuelle de terre et but longuement et avec avidité, en mouillant dans l’eau trouble sa barbe inculte. Cette barbe embroussaillée était malpropre, et ses yeux, enfoncés et ternes, se levaient péniblement vers le visage de son interlocuteur. Après avoir bu assez, il voulut soulever sa main pour s’essuyer sa bouche mouillée, mais il ne put achever ce mouvement et il s’essuya sur la manche de son vêtement. Silencieux et respirant avec peine par le nez, il regarda le garçon dans le blanc des yeux, rassemblant toutes ses forces.

— Peut-être les as-tu déjà promises à quel-