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— Que faire ? Faut-il l’aborder ou détaler au plus vite ? Mon ami, prends garde ! L’aborder, il pourrait t’en arriver malheur. Qui sait s’il n’est point là pour quelque mauvais dessein ? Si tu l’approches et qu’il te tombe dessus, et qu’il t’étrangle en te laissant sur place… brrr… Et quand même il n’y aurait rien à craindre, que ferais-tu de lui ? Tu l’aurais sur les bras ; il est nu, il faudra le vêtir, te dépouiller de tes derniers vêtements pour l’en couvrir. Rien de ça, mon ami ! Allons-nous-en bien vite.

Et le cordonnier reprit précipitamment sa route. Toutefois, il avait fait quelques pas à peine qu’il s’arrêtait de nouveau. Une voix lui parlait de l’intérieur et le retenait sur place :

— Qu’est-ce donc, frère Sema ? Qu’allais-tu faire ? Cet homme se meurt de détresse, et tu trembles comme un enfant timide, et tu veux passer outre ! Aurais-tu peut-être trouvé un trésor et craindrais-tu qu’on ne te dérobât tes richesses ! Sema, Sema, c’est mal, ce que tu fais là !

Alors, revenant précipitamment sur ses pas, il marcha droit vers l’inconnu.