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allé lui demander s’il ne pourrait lui abandonner terre et fauchée, jusqu’à la prochaine récolte. Vers le soir il rentra de sa pénible course ; il revint aux siens abattu, et commença à pleurer amèrement. Le riche paysan n’avait montré aucune pitié, se bornant à répondre rudement : « Apporte-moi l’argent ! »

De nouveau, l’angoisse reprit Élisée ; comment ces gens-là vont-ils faire pour vivre ? Les autres vont déjà aux foins, et eux, ils n’ont rien. Le blé est bientôt mûr ; et elle porte des fruits précieux, cette année, la terre maternelle, et eux, ils n’ont rien à récolter ; et c’est vainement qu’ils tenteraient d’apitoyer le riche cultivateur. Si je les abandonnais aujourd’hui, ils seraient bientôt retombés dans la plus affreuse détresse.

Élisée s’assit, songeur, se cassant la tête au sujet des chers pauvres, et il ne partit pas, restant encore là, la nuit. Il chercha dans la cour un coin où camper, fit sa prière, se coucha, mais sans que le sommeil vînt le trouver ; d’un côté il se sentait sollicité à se mettre en route, il avait déjà dépensé ici beaucoup trop de temps