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combattre la misère, usant mes dernières forces, sans nourriture, sans espérance. Je devins percluse, la petite aussi devint comme une ombre, tremblant et grelottant. Je voulais envoyer l’enfant chez des voisins, elle résistait. Cachée dans un coin, elle ne voulait plus sortir. Avant-hier, une de nos voisines est venue ; elle reconnut que la maladie et la faim étaient domiciliées ici, elle s’en retourna promptement. Son mari l’a quittée, l’abandonnant avec ses enfants dans une écrasante misère. Aussi nous restions là sans espoir, attendant la mort… »

En écoutant ce récit à briser le cœur, Élisée abandonna l’idée de rejoindre son compagnon dès le lendemain ; il s’était promptement décidé à demeurer pour la nuit. Le lendemain, il se leva de bonne heure, se mettant tout de suite à l’ouvrage comme s’il eût été le maître de la maison. Il délaya la pâte avec la vieille et alluma le poêle. Il alla ensuite avec la petite fille chez les voisins, s’occupant de réunir ce qui était immédiatement nécessaire.

— Que manque-t-il à ces gens-là ?

— Tout : la dernière chose a été épuisée ; il