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partout nous avions des dettes, ici de la farine, là du pain. En vain, je me donnais mille peines pour chercher du travail, ajouta le paysan, nulle part il n’y en avait. Partout on s’offrait à travailler pour du pain. La vieille et la petite allaient mendier au loin, mais partout, à cause de la disette, on manquait du strict nécessaire.

Néanmoins nous traînions ainsi cette lamentable existence, espérant lutter jusqu’à la récolte. À l’arrivée du printemps, les aumônes cessèrent complètement, et en même temps surgit la funeste maladie qui nous a cloués là.

« Nous eûmes tous à souffrir cruellement. Un jour nous avions un peu à manger, pendant deux autres jours, il fallait souffrir la faim. Dès lors nous commençâmes à nous nourrir d’herbes. Soit du fait de cette nourriture, soit pour toute autre cause, ma femme fut prise de cette horrible maladie. Elle ne pouvait plus se lever, et moi aussi, les forces commencèrent à m’abandonner.

« Pour nous sortir de cette détresse, tout nous faisait défaut.

« — Moi seule, reprit la vieille, je continuai à