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rale chrétienne — dans ce cas-là, dis-je, la lutte, sous une forme différente il est vrai, continuerait, nullement diminuée, entre les individus au sein de leur groupe, et entre les individus groupés en familles, en races, en nationalités. C’est ce que nous voyons dans tous les cas où les unités sont groupées en familles, en races, en États. Luttes et querelles existent au sein de la famille comme avec les étrangers : elles n’en sont souvent que plus fréquentes et plus cruelles.

Il en va de même au sein de l’État : les formes de la lutte sont modifiées, mais la lutte qui se poursuit dans son sein est bien la même qu’entre ceux qui vivent hors de l’État. Ici on tue avec des flèches et des couteaux, là par la famine. Que si, au sein de la famille, dans l’État, les faibles sont parfois sauvés, ce n’est point par un effet du groupement en famille ou en État, mais parce qu’il y a chez certains hommes de l’amour et du renoncement. Et si, alors qu’en dehors de la famille de deux enfants le fittest seul survit, au sein de la famille, quand la mère est bonne, les deux restent en vie, ce n’est point là un effet du groupement en famille, mais cela vient de ce qu’il y a chez la mère de l’amour et du renoncement. Ni l’amour, ni le renoncement ne sauraient être un résultat du progrès social.

Affirmer que le progrès social est une cause de moralité, cela revient à affirmer que construire des poêles,