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battaient ensemble ont succédé des groupes d’unités. Ce n’est point une lutte qui cesse, mais le bras prend son élan pour que le coup porté soit plus fort.

Si la loi de la lutte pour l’existence et de la survivance des plus aptes (the fittest) est la loi éternelle de tout ce qui vit — et elle l’est de toute nécessité pour l’homme en tant qu’animal — des considérations embrouillées sur le progrès social, source prétendue d’une loi éthique qui, véritable deus ex machina, surgit on ne sait d’où quand le besoin s’en fait sentir, ne peuvent y contrevenir.

Si le progrès social, comme l’affirme M. Huxley, groupe les hommes, c’est entre les familles, les races, les États que se manifestera ce même principe de survivance et de lutte. Cette lutte n’en sera pas plus morale : elle sera même plus dure et plus immorale que la lutte entre les personnes. C’est bien ce que nous voyons dans la réalité.

Admettons même une chose impossible : dans quelque mille ans l’humanité dans son ensemble, par le seul effet du progrès social, ne formerait plus qu’un grand tout, un seul peuple, un seul État, Eh bien ! dans ce cas-là — sans même parler de la lutte qui, anéantie entre les États et les peuples, ne subsistant plus qu’entre l’humanité et le règne animal, n’en demeurerait pas moins pour cela une lutte, c’est-à-dire un acte radicalement incompatible avec la mo-