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Avec beaucoup d’ingénuité, M. Huxley pensé évidemment que — malgré tout ce que comporte la société anglaise d’aujourd’hui, malgré l’Irlande, la misère du peuple et le luxe insensé des riches, malgré le commerce de l’opium et celui de l’eau-de-Vie, malgré les exécutions, malgré le massacre et la disparition de peuples entiers dans l’intérêt de la politique et du commerce, malgré la débauche et l’hypocrisie qui la couvre — un anglais qui n’enfreint pas les prescriptions de police est un homme moral et que la loi éthique le dirige. M. Huxley oublie que les qualités sociales nécessaires pour qu’une société ne se désagrège pas, peuvent être très utiles à cette société, mais de la façon dont le sont les qualités propres aux membres d’une bande de brigands pour leur bande, ou, allant plus loin, de la façon dont, dans notre société, les bourreaux, les geôliers, les juges, les soldats, les imposteurs ecclésiastiques et d’autres encore eut leur utilité. Et il oublie que ces qualités-là n’ont rien de commun avec la morale.

La morale se comporte comme un végétal qui se développe et croît d’une façon constante. Aussi ne pas enfreindre les règles d’un certain ordre social, en assurer le maintien par la potence ou la hache (dont M. Huxley parle comme d’armes morales), ce n’est point seulement ne pas affermir la morale, c’est la violer. À l’inverse, on ne pourra pas dire de tou-