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pas changé de conception au sujet du rapport où il est avec l’univers.

De même celui qui conçoit son rapport avec l’univers comme consistant à servir la famille (ce qui se rencontre surtout chez les femmes) ou à servir la race, le peuple, l’État (les hommes politiques pendant la lutte et ceux qui appartiennent à une nationalité opprimée en sont des exemples), aura beau dire qu’il est chrétien, sa morale sera toujours non pas la morale chrétienne, mais une morale spéciale à l’usage de l’État, du peuple ou de la famille. Et lorsqu’un choix s’imposera entre le bien de la famille, de la société et le sien propre, ou entre le bien social et l’accomplissement de la volonté de Dieu, il choisira forcément de travailler au bien du groupe d’individus pour lequel, suivant sa conception, il existe, parce que c’est seulement dans ce service rendu qu’il trouve le sens de sa vie. Et de même, on aura beau chercher à persuader un homme qui considère que son rapport avec l’univers consiste à accomplir la volonté de Celui qui l’a envoyé, de l’obligation où il est, pour se conformer soit à des exigences personnelles ou de famille, soit à ce que demande le bien du peuple ou de l’État, d’aller à l’encontre de cette volonté suprême dont il est conscient grâce à la faculté de comprendre et d’aimer inhérente à sa nature, — cet homme sacrifiera toujours et sa propre personne, et la famille,