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passives du cœur : renoncement aux vanités du monde, conscience de son propre néant au point de vue matériel, sentiment de la justice. Nous voyons que, parmi les fondateurs de religions, aucun ne s’est distingué par ses connaissances philosophiques ou scientifiques.

Les savants d’aujourd’hui, qui occupent actuellement la chaire de Moïse[1], adoptent pour règle de conduite la conception païenne remise en honneur à la Renaissance ; ils prennent pour l’essence du christianisme ce qui en est la plus grossière déformation. Ils ont décidé que ce qu’ils prennent pour l’essence du christianisme est un état de choses déjà dépassé par l’humanité et que, à l’inverse, la conception de vie propre à l’antiquité — cette conception païenne, sociale et civile adoptée par eux, mais, en fait, dépassée par l’humanité — est la conception la plus élevée de la vie, celle à laquelle l’humanité doit imperturbablement se tenir. En agissant ainsi, ils ne comprennent pas le vrai christianisme qui constitue cette conception supérieure de la vie vers laquelle marche l’humanité entière : ils ne cherchent même pas à la comprendre. Telle, est, à mon avis, l’erreur capitale, celle qui, plus

  1. Mathieu, XXIII. 2. « Et Jésus leur dit : les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ». (Note du Traducteur).