Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son essence qu’une extension de la première. Le premier de ces deux rapports, le plus ancien, où l’on trouve aujourd’hui les gens les moins cultivés seulement, consiste en ce que l’homme se considère comme une créature qui se sert de fin à elle-même, qui vit dans le monde pour y acquérir la plus grande somme possible de bien personnel, indépendamment de la question du dommage causé par cette recherche au bien d’autres créatures.

Ce rapport primitif de l’homme et de l’univers est celui dans lequel se trouve tout enfant à son entrée dans la vie, celui dans lequel a vécu l’humanité au premier degré de son développement et dans lequel vivent encore aujourd’hui beaucoup de peuples sauvages, beaucoup d’individus qui, moralement, comptent au nombre des plus grossiers. C’est de lui que découlent toutes les religions païennes de l’antiquité ainsi que certaines religions, plus tard venues, en la forme inférieure où les ont laissées les modifications qu’elles ont eues à subir : le Bouddhisme[1], le

  1. Bien que le Bouddhisme exige de ses adeptes le renoncement aux biens terrestres et à la vie même, on trouve à sa base ce même rapport, avec l’univers qui l’entoure, de la personne qui est sa propre fin et qui est destinée au bonheur. Il n’y a qu’une différence ; le paganisme pur admet que l’homme a droit à la jouissance, tandis que le bouddhisme admet le droit à l’absence de souffrances. Le paganisme considère que le monde doit servir au bien de la personne ; le bouddhisme qu’il doit disparaître comme étant la source de la souffrance de la personne. Le bouddhisme n’est qu’un paganisme négatif.