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complète du christianisme), c’est un point tranché, une chose reconnue par la masse instruite, toujours prête à accepter volontiers et à l’instant les notions les plus basses, que la religion n’est qu’une certaine phase du développement de l’humanité, phase déjà dépassée depuis longtemps, cause de retard pour son progrès. L’humanité, on l’admet, a traversé déjà deux périodes : la période religieuse et la période métaphysique ; elle est à présent entrée dans une troisième période de haute culture scientifique, et on ajoute que tous les phénomènes religieux chez les hommes ne sont que les débris persistants d’un organe spirituel de l’humanité, organe autrefois nécessaire, mais qui, depuis longtemps, n’a plus ni sens, ni rôle, comme qui dirait, pour le pied du cheval, l’ongle du cinquième doigt. On admet que la religion consiste essentiellement en l’acceptation, provoquée par l’effroi ressenti en face des forces incompréhensibles de la nature, de l’existence d’êtres imaginaires. Telle était, dans l’antiquité déjà, la pensée de Démocrite et telle est la thèse soutenue par les plus récents philosophes et historiens de la religion.

Mais, tout d’abord, et sans vouloir y insister, la croyance à l’existence d’un seul être ou de plusieurs êtres invisibles, surnaturels, ne provenait pas toujours autrefois et ne provient pas toujours aujourd’hui de la frayeur qu’inspirent les forces inconnues de la na-