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des phénomènes incompréhensibles de la nature.

Cette opinion, on l’accepte sans examen critique, sur l’affirmation de la grande masse des gens instruits de notre époque ; non seulement elle ne rencontre pas d’opposition de la part des savants, mais, au contraire, c’est chez eux qu’on la trouve le plus nettement formulée. Si, de temps à autre, s’élèvent les voix de gens qui attribuent à la religion une autre origine et un autre sens, celle d’un Max Muller ou d’autres encore, on ne les entend pas, on ne les remarque pas, au milieu du sentiment unanime qui s’accorde à voir dans la religion, en général, un phénomène produit par la superstition et l’ignorance. Il n’y a pas bien longtemps, au commencement de ce siècle, lorsque les gens d’avant-garde reniaient le catholicisme, le protestantisme et l’orthodoxie (comme le firent les Encyclopédistes d’il y a cent ans), aucun d’entre eux ne niait que la religion fût une condition indispensable de la vie de tout homme. Sans parler même des déistes comme Bernardin de Saint-Pierre, Diderot et Rousseau, Voltaire éleva un monument à Dieu, Robespierre organisa la fête de l’Être-Suprême. Mais à notre époque (et cela grâce à la doctrine légère, superficielle d’Auguste Comte qui, comme la grande majorité des Français, croyait que christianisme et catholicisme, c’est tout un, et qui par suite voyait dans le catholicisme la réalisation