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CHAPITRE XXVII


La neige avait eu beau orner toutes choses d’un joyeux voile blanc, elle avait eu beau en orner le toit, le perron, la cour de la prison : celle-ci, avec ses deux lanternes rouges et son factionnaire, n’en gardait pas moins un aspect sinistre.

Le directeur à la mine imposante vint lui-même recevoir les visiteurs, sur le pas de la porte. À la lumière des lanternes, il lut soigneusement le laisser-passer que le gouverneur avait remis à Nekhludov au sortir de table ; puis, se bornant à hausser les épaules en signe de résignation au caprice de son chef, il invita les deux visiteurs à le suivre jusque dans son bureau. Arrivé là, il leur demanda ce qu’ils voulaient voir.

Nekhludov lui dit que, avant toute autre chose, il désirait avoir un entretien avec la Maslova, ajoutant que son compagnon, d’autre part, désirait poser quelques questions sur le régime de la prison, de manière à pouvoir, ensuite, visiter les salles avec plus de profit.

Le directeur ordonna à un gardien d’aller chercher la Maslova et de l’amener au bureau.

— Combien de personnes la prison peut-elle contenir ? — demanda l’Anglais, par l’intermédiaire de Nekhludov. — Combien de personnes contient-elle en ce moment ? Combien d’hommes ? Combien de femmes ? Combien d’enfants ? Combien de forçats, de déportés, de suivants libres ? Combien de malades ?

Nekhludov traduisait, au fur et à mesure, les questions de l’Anglais et les réponses du directeur ; mais il eût été absolument hors d’état de dire ce que signifiaient ces