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— Oui, un garçon superbe ! — dit Nekhludov en regardant un bébé tout joufflu et tout rouge.

La mère, debout près de lui, souriait doucement.

Et soudain Nekhludov se rappela les chaînes, les têtes rasées, les coups de poings sur les yeux, Kriltzov mourant, Katucha. Et il ressentit une affreuse souffrance. Et il regretta de n’avoir point, lui aussi, un bonheur comme celui qu’il voyait, si calme et si pur !

Ayant encore loué de son mieux la beauté des deux enfants, il revint avec la mère au salon, où l’Anglais l’attendait pour se rendre avec lui à la prison, comme c’était convenu. On se dit adieu, on échangea des souhaits et des remerciements ; et Nekhludov, en compagnie de l’Anglais, sortit de l’hospitalière maison du gouverneur.

Le temps avait changé. Une neige serrée tombait par rafales et avait couvert déjà le pavé de la cour, les arbres du jardin, les marches du perron, le dessus de la voiture, le dos des chevaux. Nekhludov monta dans la voiture avec son compagnon et ordonna au cocher de se rendre à la prison.