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sus des champs ; et le givre, et la boue gelée de la route, et les coupoles et les croix brillaient doucement ; et cette lumière faisait paraître plus immense encore l’étendue des plaines, jusqu’à la ligne bleue des montagnes barraient l’horizon.

Enfin la troïka entra dans un grand village, faubourg de la ville où se rendait Nekhludov. La rue de ce village était pleine de passants, russes et étrangers, montrant une variété extraordinaire de costumes et de coiffures. Des groupes bavardaient, se querellaient, riaient, devant la porte des boutiques, des hôtelleries et des cabarets. Des chariots se traînaient lourdement, ou se tenaient arrêtés au milieu du chemin. Tout faisait sentir le voisinage de la ville.

Après s’être redressé sur son siège, de façon à se montrer sous l’aspect le plus avantageux, le cocher fouetta ses chevaux, et réussit à leur faire traverser en courant la longue rue du village, malgré cette foule qui la remplissait. La troïka ne s’arrêta que sur la rive d’un fleuve, qui séparait le village de la ville, et que l’on traversait sur un large bac.

Le bac se trouvait alors au milieu du fleuve, s’avançant vers la rive où était Nekhludov. Une vingtaine de chariots étaient là qui l’attendaient ; mais les deux hommes qui conduisaient le bac firent signe au cocher de Nekhludov qu’il pourrait faire entrer sa voiture avant toutes les autres. Et quand le bac fut rempli, ils fermèrent la barrière qui y donnait accès, sans s’inquiéter des protestations des nombreux charretiers dont les voitures n’avaient put trouver place.

Et, lentement, le bac se mit à glisser à la surface de l’eau, sans autre bruit que celui des vagues se brisant sur ses bords, et, par moments, celui des sabots de chevaux frappant le plancher.