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RÉSURRECTION

— Vous ne vous reconnaissez pas coupable ?

— Pas du tout !

— Fort bien !

— Catherine Maslov, — dit ensuite le président s’adressant à l’autre prévenue, — vous êtes accusée d’avoir, étant venue dans une chambre de l’Hôtel de Mauritanie avec la clé de la valise du marchand Smielkov, dérobé dans cette valise de l’argent et une bague…

Le président s’interrompit dans sa phrase pour écouter ce que lui disait à l’oreille le juge de gauche, qui lui faisait remarquer qu’une des pièces à conviction notées sur la liste, un flacon, manquait sur la table. « Nous allons voir cela tout à l’heure ! » murmura en réponse le président ; puis, continuant sa phrase comme une leçon apprise par cœur : — Dérobé dans cette valise de l’argent et une bague, d’avoir partagé le produit du vol avec vos deux complices, puis, étant revenue dans l’hôtel avec le marchand Smielkov, de lui avoir donné à boire de l’eau-de-vie empoisonnée. Vous reconnaissez-vous coupable ?

— Je ne suis coupable de rien ! — répondit aussitôt l’accusée. — Comme je l’ai dit depuis le commencement, je le dis encore : je n’ai rien pris, rien pris, rien pris, rien du tout ! Et la bague, c’est lui-même qui me l’a donnée !

— Vous ne vous reconnaissez pas coupable d’avoir pris les 2.600 roubles ? — demanda le président.

— Je n’ai rien pris, rien que les 40 roubles !

— Et d’avoir versé la poudre dans le verre du marchand Smielkov, de cela vous reconnaissez-vous coupable ?

— Cela, je l’avoue. Mais je pensais, comme on me l’avait dit, que cette poudre était pour endormir, qu’il n’en sortirait aucun mal. Est-ce que j’aurais été capable d’empoisonner quelqu’un ? — ajouta-t-elle en fronçant les sourcils.

— Ainsi vous ne vous reconnaissez pas coupable d’avoir dérobé l’argent et la bague du marchand Smielkov ; mais, d’autre part, vous avouez que vous avez versé la poudre ?