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RÉSURRECTION

dant, n’était pas vide : la Bogodouchovska s’y trouvait, étendue sur son lit, la tête tournée contre le mur.

— Elle a la migraine ; elle dort, et ne vous entendra pas ! Moi, je m’en vais, — dit Marie Pavlovna.

— Au contraire, tu me feras plaisir en restant, — fit Simonson. — Je n’ai de secrets pour personne, mais surtout je n’en ai pas pour toi !

— Soit, comme tu voudras, — fit Marie Pavlovna, et, s’asseyant sur un des lits, avec ses mouvements d’une grâce enfantine, elle s’apprêta à écouter l’entretien des deux hommes.

— Voici en quoi consiste l’affaire dont je veux vous parler, — répéta Simonson. — Connaissant vos rapports avec Catherine Mikaïlovna, je me crois tenu de vous mettre au courant de mes propres rapports avec elle.

— Qu’est-ce à dire ? — demanda Nekhludov, saisi d’une brusque frayeur.

— Le fait est que je voudrais me marier avec Catherine Mikaïlovna…

— Vraiment ? — s’écria Marie Pavlovna en levant sur Simonson ses beaux yeux bleus.

— Et j’ai résolu de lui demander si elle consentirait à devenir ma femme, — poursuivit Simonson.

— Que puis-je y faire ? Cela ne dépend que d’elle ! — déclara sèchement Nekhludov.

— Oui, mais je sais qu’elle ne me répondra pas sans votre permission.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que, aussi longtemps que ne sera pas tranchée la question de vos rapports avec elle, Catherine Mikaïlovna ne voudra prendre aucun parti.

— Pour ce qui me touche, — dit Nekhludov, — la question est toute tranchée. J’ai voulu faire ce que je croyais mon devoir ; et puis j’ai essayé aussi d’adoucir autant que possible la situation de la Maslova ; mais, à aucun prix, je ne voudrais m’imposer à elle, ni la gêner dans ses décisions.

— Sans doute, mais elle ne veut pas de votre sacrifice !