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RÉSURRECTION

Le premier des porteurs était un valet de chambre : Nekhludov se souvint aussitôt de l’avoir déjà vu. Et il reconnut également l’homme qui marchait derrière la chaise, un portier en livrée, avec une casquette galonnée. Près de la chaise se tenait une élégante femme de chambre portant un sac de voyage, un certain objet rond dans un étui de cuir, et plusieurs ombrelles. Et Nekhludov aperçut de l’autre côté, en tenue de voyage, le vieux prince Korchaguine, avec ses lèvres épaisses et son cou d’apoplectique. Missy était là aussi, et son frère Mitia, et un jeune diplomate bien connu de Nekhludov, le comte Osten, possesseur d’un cou interminable et d’un petit visage toujours souriant. Osten causait avec Missy, qui semblait s’amuser beaucoup de ses plaisanteries. Et Nekhludov vit aussi le médecin, fumant sa cigarette avec son air habituel de mauvaise humeur.

Cet imposant cortège ne faisait que traverser la grande salle, pour se rendre dans le petit salon réservé aux dames ; il s’attira, sur son passage, une curiosité mêlée de respect. Mais, dès l’instant suivant, le vieux prince revint dans la salle, s’assit devant la table, appela un garçon et lui donna des ordres. Puis Missy et Osten arrivèrent à leur tour, et tous deux allaient également s’asseoir près de la table lorsque Missy aperçut, à l’entrée, une personne de connaissance et courut à sa rencontre.

Cette personne était Nathalie Ivanovna, la sœur de Nekhludov. S’avançant en compagnie d’Agrippine Petrovna, elle tournait les yeux de tous côtés, en quête de quelqu’un. Elle vit en même temps son frère et Missy. Et, comme Nekhludov s’était approché d’elle, elle lui dit, après avoir serré la main de la jeune fille :

— Enfin, je te trouve ! Je commençais à me décourager !

Nekhludov serra les mains de Missy et d’Osten, embrassa sa sœur, et l’on se mit à causer. Missy raconta que leur maison de campagne avait brûlé, ce qui les obligeait à aller passer quelques semaines chez